Table Ronde: Impacts du Covid-19 sur les processus opérationnels

Lors de cette table ronde Jean-Claude de Vera - AgileGBS, Erik Ghesquière-Oresys et Miguel Valdes Faura - Bonitasoft, débattent des moyens et des solutions permettant aux dirigeants d’évaluer les enjeux liés à la digitalisation et d’engager les projets qui contribueront à l’amélioration de la performance de leurs entreprises et de la satisfaction de leur salariés et clients.

Selon Forrester, 70% des entreprises s’appuient encore sur des processus papiers ou manuels, le télétravail les a rendu obsolètes. Restaurer les processus, les rendre à nouveau opérationnel, est indispensable et passe par la priorisation des projets d’optimisation et d’automatisation des processus métiers.

En France, près des deux tiers (69 %) des dirigeants d'entreprises ont indiqué que la crise avait mis en exergue davantage de failles côté opérations et systèmes qu'ils ne l'avaient prévu.

Pourquoi les entreprises doivent-elles accélerer en terme d’optimisation et d’automatisation des processus métiers ?

Quels sont les enjeux pour les entreprises si elles n’accélèrent pas leur transformation et leurs digitalisation ? Tout d’abord elles ne progresseront pas si elles ne connaissent pas la performance actuelle, ni les objectifs à atteindre et si nous elles ne se comparent pas aux meilleures et pas seulement dans leur secteur d’activité.

Par ailleurs, il convient d’éliminer les dysfonctionnements et de réduire les incertitudes en professionnalisant la gestion des données et des processus. La digitalisation rend prévisible les délais et les livrables de chaque activité et processus et permet d’alerter en cas de dérives.

Dans le contexte accéléré par le COVID, le télétravail est devenu la norme pour de nombreux salariés. Certains processus s'accoutumaient du fait qu'en présentiel on se coordonnait entre acteurs. Cela a déclenché un besoin de digitalisation et de traçabilité, et de façon plus générale cela a mis en lumière le “Mirage de la simplicité du processus".  Au delà d'une automatisation de tâches il faut vraiment parler de digitalisation. Derrière ce mot on met la dématérialisation, la fluidification. Le processus comporte souvent de nombreux points de coordination et de saisies dans différentes briques du SI.

Pour les entreprises, c’est une question de survie ! La crise Covid a seulement accentué le nombre des processus cassés dans les entreprises. Des processus qui impactent les opérations dans leur quotidien et qui, très souvent, nécessitent l’implication de personnes de plusieurs départements dans l’entreprise ainsi que l’interaction avec des systèmes internes et externes hétérogènes (ie mauvaise gestion des escalades clients dans un call center, activation et opération d’un nouveau service/abonnement/offre pour un client...)
 
En plus de la démotivation des équipes, cela a un impact direct sur la satisfaction client et la topline business.

Quelle stratégie pour cette digitalisation ?

Il convient de créer un référentiel de la performance objective actuelle de chaque fonction et des processus de bout en bout en collectant les coûts, les effectifs et les volumes traités afin de définir les enjeux sur la base d’indicateurs de performance (KPI). Les dirigeants pourront ainsi définir une stratégie de changement adaptée et engager les projets prioritaires en fonctions des objectifs et des enjeux de l’entreprise en optimisant le niveau de service et/ou les coûts associés.

La mesure est importante car il y a une logique de preuve. Il faut aussi envisager cette transformation à la fois côté métiers, qui doivent comprendre qu'au delà des applications métiers classiques il y a une place pour la digitalisation des processus via une famille de technologie. Et côté DSI, c'est aussi une transformation car le sujet du BPM est souvent peu connu ou sous évalué en terme de gain de productivité et d'impact sur l'efficience des opérations.

Comment les entreprises doivent-elles attaquer le sujet de la digitalisation de leurs processus ?

Tout d'abord, une vrai prise de conscience de l’importance, la criticité et le côté stratégique de la digitalisation des opérations est nécessaire et doit être partagé à niveau du Codir. Le DSI doit jouer un rôle essentiel dans cette démarche et doit devenir un vrai partenaire stratégique avec les autres membres du Comité de direction (car la digitalisation des opérations via l’automatisation et l’optimisation des processus nécessite une vrai réflexion sur le choix de la technologie, l’intégration avec les systèmes existants, la compatibilité avec des chantiers de modernisation IT en cours, interaction avec des systèmes legacy existants...).
 
Au delà du coté stratégique, il est également important d’identifier les premiers projets de digitalisation des opérations et les premiers processus en fonction des critères bien définis et spécifiques à chaque entreprise (impact sur la satisfaction client ou salarié, valeur perceptible dans l'entreprise, impact sur la topline…). Ensuite, il faut constituer une équipe projet avec un leadership de la DSI concernant l'implémentation et la gouvernance et un sponsor business.

Quel processus privilégier ?  

Il faut créer une hiérarchie des processus pour gérer la priorisation.
Les 3 critères :

1) Le processus manuel fait-il obstacle à des opérations critiques ?
2) Pouvez-vous l'automatiser à l'aide d'outils et de techniques déjà présents dans l'organisation ou que vous pouvez facilement acquérir et mettre en œuvre ?
3) Y a-t-il des éléments supplémentaires à prendre en compte (ex. réduction des temps de cycles par rapport aux clients ou obligation légale de traçabilité des transactions ?)
 
Il est recommandé de prendre les processus les plus critiques qui représentent des enjeux pour l’entreprise (ex. Demandes de grues pour le BTP ou le processus Achats de la Commande au règlement des fournisseurs dans l’automobile).

Ceci quitte à réduire le scope dans une première implémentation. Des processus à haute visibilité (interne ou externe) sont importants pour démontrer le ROI ou la résolution d’un problème important et récurrent qui impacte les salariés ou les clients de l’entreprise.

Il faut un travail collaboratif entre la DSI et les opérationnels.

Qu'en est-il de la gouvernance de ce type de projet ?

Le but est de choisir une technologie pour cette digitalisation, la DSI a un rôle important. Elle est garante de l'usage, du déploiement, de l'adéquation avec le système d'information de manière plus globale.

Quelles technologies faut-il faire coexister, ou prioriser ?

Le marché peut sembler un peu confus lorsque l'on parle de digitalisation des opérations.

Il y a 4 grandes familles de technologies complémentaires :

1) Le Process Mining

Ce sont des technologies qui à partir de l'analyse de logs d'applications utilisées au quotidien, remontent un process. C'est une étape de découverte des processus pour voir si des améliorations seraient possibles. Cela permet aussi de prioriser les projets de digitalisation.

2) Le RPA

Ces technologies permettent d'automatiser des séquences de tâches, pas la globalité d'un processus.

3) Les solutions d'API management

Ces technologies permettent d'exposer des nouveaux services, de gérer leur gouvernance ainsi que les accès.

4) Le BPM

Cette famille de technologie, appelée par certains analystes Digital Process Automation, est au coeur du sujet de la digitalisation. Elle permet de définir le processus graphiquement. Elle permet de faire interagir des personnes et des systèmes (API, robots). Elle assure la cohérence transactionnelle et donne de la visibilité sur l'ensemble de l'exécution pour pouvoir faire de l'optimisation.

Si vous avez déployé une solution de RPA pour automatiser certaines tâches humaines répétitives vous pouvez maintenant la combiner avec des solutions BPM/DPA pour adresser des problématiques d’automatisation et optimisation des processus plus globales et transverses avec une gestion unifié des interactions entre tous types de systèmes (ie legacy, API based, UI-based via des robots) ainsi que les interactions avec des utilisateurs internes et externes à l’organisation. Le tout, avec une visibilité complète et un suivi détaillée des processus automatisés.

La même approche est valable si vous n’utilisez pas déjà des solutions de BPM/DPA car vous pouvez les combiner facilement avec des solutions d’API Management/Application integration ou tout simplement les connecter à vos systèmes existants.

Il faut favoriser les solutions avec une approache plateforme (pour vous permettre une prise en main plus rapide), celles qui facilitent la collaboration entre des utilisateurs avec ou sans compétences de développement et celles extensibles pour permettre aux développeurs d’adresser les problématiques les plus complexes et les cas d’usage et de personnalisation avancés.

Comment faire en sorte que le premier projet soit le début d'une véritable transformation ?

La transformation doit être portée par la Direction Générale et pilotée par une gouvernance qui implique chaque fonction et niveau de l’entreprise afin de capitaliser sur les expertises et engager les projets suivants. On constate trop souvent l'absence de généralisation, ce qui est un défaut de capitalisation.

La réussite passe par l’implication des utilisateurs via une démarche agile et itérative lors du développement et le déploiement des projets pour permettre une création de valeur progressive et continue basée également sur le feedback utilisateur. Les utilisateurs co-construisent la solution. Ils deviennent des ambassadeurs de l'usage.

Il faut que la digitalisation devienne un Programme pour l'entreprise. Le fait de définir un axe d'amélioration quantifiable permet de tracer un chemin pour les projets suivants et notamment de mettre en place une vraie réinvention des processus.

La DSI va mettre en place un plateforme de digitalisation sur laquelle elle peut s'appuyer pour étendre les usages. Cela s'inscrit dans une logique d'investissement pérenne. Cela peut coûter très cher aux entreprises de ne pas penser cette digitalisation de manière durable.

La DSI peut être un accélérateur de la transformation en mettant à la disposition des métiers des outils qui permettent d'agir sur la durée, d'anticiper et de maturer. Les métiers ont besoin de pouvoir décrire leurs processus, de les travailler avant de passer à des phases de développement. La collaboration sur la plateforme de digitalisation est donc essentielle. Elle doit pouvoir se faire de manière agile. C'est ce que propose le BPM.

Le BPM est complémentaire aux ERP et aux applications métiers. Les DSI doivent les avoir dans leur panorama et dans leurs plans d'investissement. C'est une brique de modernisation du SI dont les gains sont tangibles.